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Anne-Lise Dehée

Paris - Rennes, le 2 mars 2002

Ce matin entre l'île saint-Louis et celle de la cité, la traversée du pont était impossible. Talkie-walkie et projecteurs dans la grisaille engourdie d'un samedi. Silence on tourne ! A ce qu'il paraît ça filme une pub chez Bertillon. Quelques minutes de trop qui pourraient m'empêcher d'attraper le TGV de 9h05, dont je pensais d'ailleurs le départ à 9h15. ça allait être chaud et je commençais à négocier la traversée du pont. Et patati et patata rien ni faisait, le pont devait restait silencieux et désert comme sur une carte postale retouchée. C'est alors que je sortis l'argument choc : Mais, voyez-vous j'ai rendez-vous à Rennes, Melle Hulaut* nous a invités pour le tournage de sa partie de tennis et bien sûr c'est très important. Dans la bonne humeur ensommeillée j'avais trouvé la petite phrase qui fasse que le passage s'ouvre (train + tournage = passage). Un clin d'œil amusant que je classe aussitôt au cœur de la mythologie personnelle dans l'ordre des petits signes excellents.

Le train file dans une campagne trop blanche, trop sans lumière voilà l'image avalée par un paysage sans ciel. Et cette boulimie de la vitesse, il me semble que ça donne un léger mal de cœur comme si les repères étaient annulés par le manque de point de fuite. Puisque c'est difficile de se fixer sur ce qui se passe à l'extérieur... C'est quoi déjà les vacances de Monsieur Hulot ? Un film bien sûr que d'ailleurs j'ai vu il y a fort longtemps. Il est présent à mon esprit un peu comme un souvenir d'enfance. M. Hulot part en vacances comme l'indique le titre, avec sûrement tout un attirail. Son chapeau, sa valise, une vieille guimbarde et sa pipe (ça c'est évident), il doit porter aussi des pantalons un peu trop courts (comme s'il avait grandi trop vite) mais fort appropriés aux chaleurs estivales. Le voilà en pension sur la côte près de l'océan. N'est-ce pas les premiers congés payés ? Ainsi c'est la première fois pour tout, les vacances, l'océan, la pension, le tennis... Naïf, surpris, étonné, mais surtout attentif dans un halot de douceur, il est seul comme un promeneur solitaire mais toujours un tantinet décalé. M. Hulot découvre les saveurs estivales et ses rituels sans pour autant se couler dans le moule. Trop parfait sans même en avoir conscience ou trop maladroit, ce qui est finalement la même chose, M. Hulot nous emmène dans les contrées du fou rire et de l'absurde.

C'est comme la scène de la guimauve. Derrière son comptoir à roulette, il y a le marchand de friandise affairé par son zèle estival, il y a aussi suspendue à un crochet sa guimauve qui fond avec la chaleur. Le bonhomme la rattrape toujours au dernier moment avant qu'elle n'atteigne le comptoir. Ca se répète et se répète, on est tous fasciné. M. Hulot est le propre spectateur de l'univers qu'il a choisit de vivre : Des vacances. Dans ces vacances auxquelles il nous convit il y a toujours un petit quelque chose qui fait que ça ne tourne pas rond. Est-ce sa démarche, L'univers dans lequel il se meut ? Tout cela ne tient qu'à un fil, un rien peut tout déséquilibrer, mais sans catastrophe ni drame.

Dix minutes avant l'arrivée sur Rennes, le paysage s'ouvre pour laisser place au ciel. La partie de tennis de Melle Hulaut peut belle et bien commencer. Merci Ma'zelle !