Anabelle Hulaut au musée du Textile de Cholet
par Aude Leguennec
Anabelle Hulaut s'empare du musée du Textile. Elle a décidé d’y présenter son œuvre « sans titre » (le canevas). Une tapisserie reproduite, photographiée avec des personnages d’aujourd’hui qu’elle a côtoyés dans le cadre d’un projet « 10 familles, 10 artistes » organisé à l'occasion de la FIAC dans le Tarn. Une image pixélisée d’une image tissée sorte de patchwork inspiré des Fêtes galantes d’Antoine Watteau. Que pourrait-elle être cette tapisserie mimée par la famille qui la possède avec des objets et animaux de leur quotidien méticuleusement choisis par Anabelle ? Dans cette image « Vache-qui-rit » où la tapisserie devient une autre image qui la contient, Anabelle Hulaut s'est amusée à donner au public les clés de la compréhension de cette référence immédiate.
Trouver le fil… Ainsi commence la visite du musée par l’artiste. Anabelle Hulaut part en quête du signe qui donnerait toute légitimité à la présentation de son œuvre et la remettrait en contexte. Redonner du sens… Les vestiges de l’ancienne blanchisserie de la Rivière Sauvageau semblaient trop éloignés de la matière, du métier. Son « canevas » doit dialoguer avec un espace dans lequel cette référence au travail textile, au savoir-faire, doit aller de soi. Trouver l’indice… Le bâtiment d’accueil, dans lequel les métiers à tisser provenant des anciennes usines textiles choletaises sont exposés et produisent encore, lui a semblé le lieu adéquat. Les machines-araignées tissent par intermittence, et cet antre des gestes textiles servira de cocon à son œuvre. Là les tissus sont en ébauche, en cours, tout comme le « canevas » auquel elle a voulu faire référence dans la reproduction de la tapisserie.
Tout en haut, sous l’œil de bœuf, flottant dans l’air au-dessus des machines, la photographie trouvera sa place. Mesurer, prendre en compte l’espace utile, envisager le recul nécessaire, imaginer la lumière, installer l’écran, oui, c’est ici que le « canevas » sera montré !
Sous l’œuvre, un métier à tisser à lances bat sa cadence. Il tisse un métis damassé ivoire. Des carreaux bis, un quadrillage. Et s’ils étaient soudain noirs et blancs ? Cela est-il possible ? Pourrait-il tramer l’indice qui s’enroulerait sous les yeux du public pour dérouler le lien à l'œuvre ? Un signe vivant, en production, qui dialoguerait avec le "canevas", à peine ébauché, opus en cours ? Ces fils croisés durant le temps de présentation de l'œuvre seront ensuite le prétexte d'une autre installation, une sorte de prolongement en référence à cette création in situ.
Et le savoir-faire patrimonial s’entremêle avec l'art actuel. Et l’œuvre se confronte à la technique conservée vivante par le musée. Et l'identité passée se mêle d'expression contemporaine. Cette conversation nous plaît infiniment au musée du Textile, lieu où, depuis quelques années la création d'aujourd'hui dialogue avec la blanchisserie, un site chargé d'âme. De l'histoire d'un lieu, du travail des hommes, nourrir l'inspiration, tel est notre fil d'Ariane qu'Anabelle nous permet de dérouler sous le battement bienveillant des machines.
Aude Le Guennec, 7 février 2008
Publié dans le catalogue de l'exposition : Points de vues, diversion et convoitise aux Musées de Cholet en 2008.