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Anabelle Hulaut

Pierre Giquel

Parution :Ouest France, 28 janvier 2004


Tours et Détours d'Anabelle Hulaut

Elle participait récemment au Laboratoire d'artistes qui se tenait à LU dans le cadre de Coca Cola Light. L'IUFM l'a accueillie pendant un an dans ses murs. Anabelle Hulaut n'a de cesse d'intervenir ici et là, dans le cadre d'expositions ou d'actions. Point de vue sur une artiste aux cent qualités.

Dompteuse de mots et de lettres, de situations parfois inattendues, Anabelle Hubaut a troqué voilà quelques années son B pour un L. Le B l'encombrait. Ainsi Hubaut devint Hulaut. Cela ne se produisit pas sans un rite qu'elle partagea avec ceux qui possédaient un L dans leur nom. Avec un contrat comme clé du jeu. Pendant une semaine, celui qui acceptait l'opération s'engageait à signer, à se faire reconnaître sous son nouveau nom. Mais l'histoire n'est pas allée jusqu'au bout : Jack Lang contacté aurait pu s'appeler Jack Bang.

Fille de Alphonse Allais comme de Raymond Hains, Anabelle aime à glisser sur la langue, à déjouer ses conventions, à en aimer ses lapsus, à en débusquer les homonymies, laisser surgir l'inédit dans un rire. Le mouvement pictural "Support surface" devint "sport surface". Comme elle s'appelait désormais Hulaut, elle a dérapé sans retenue vers un cousin un peu éloigné. Elle prépare ainsi un long métrage intitulé "Les vacances de Melle Hulaut". Puis le Nicolas du même nom s'est intéressé à elle. Dans son film, elle devient détective, attachée à retrouver la pipe volée sur la statue un peu kitsch érigée près du remblai de Saint-Marc. à l'évidence, Jacques Tati ne désavouerait pas cette jeune femme insolente et tendrement complice.

De la soupe au salon

Anabelle Hulaut est célèbre pour ses confections de soupes. Armée de son mythique caddy rouge, elle en réalise dans les endroits privés comme pour l'ouverture de l'Ambassade SOS en France qui se tenait le 6 décembre rue Kervégan à Nantes, ou encore dans le cadre d'expositions publiques. La soupe est un prétexte grâce auquel les visiteurs deviennent convives et goûteurs. La soupe ouvre un espace baroque. Mais lorsqu'elle se trouve invitée à l'IUFM, la question se pose de la place qu'elle occupera dans les lieux. Elle propose d'emblée des rendez vous nomades.

Anabelle déplace ainsi ses valises et crée un salon de coiffure avec l'aide d'un professionnel, Olivier Briand. Ainsi dans le hall d'entrée de l'institution, pouvait-on se préparer à passer par des doigts adroits. Pour salaire, il était demandé un échange d'objets, de denrées périssables ou non.

Les plus récentes réponses qu'elle a apportées à l'entreprise Coca sont restées fidèles à cet esprit fugueur et parfois rabelaisien. Quitte à mettre les pieds dans le plat. L'artiste a ainsi proposé un "cocart", qui peut aussi s'écrire "cocard", et dans le cadre de son installation laisser surgir un son, celui d'un rot qui ma foi nous rappelait l'excellence ubuesque.

Pierre Giquel, 2004