Anabelle Hulaut
Frédéric Emprou
Parution : 303 - Art recherches et Créations - N°74 [sept 2002]
Mariage de lettres. Plage de St marc.
Le 15 juin dernier était le théatre d'une belle mais bien curieuse agitation, et d'une affluence pour le moins insolite. Dans un aéropage drôle et pleinement poétique Anabelle Hulaut tournait une des séquences de son film Les vacances de Melle Hulaut, le Mariage de lettres. Celle-ci put se réaliser grâce au soutien de la ville de St Nazaire, du Frac Pays de la Loire et de l'Association Mire. Toujours à mi-chemin entre la fiction et la réalité, l'artiste a adopté depuis longtemps le glissement comme attitude, comme esthétique de l'inattendu et du cocasse. Un film est le lieu idéal de tous les prolongements, projections, à la croisée du réel et du fantasme, et ce, paraphrasant Serge Daney pour qui le cinéma était avant tout du désir.
Depuis quelques temps, Anabelle Hulaut s'est illustrée en s'appropriant des références aux fameux personnage des films de jacques Tati, elle s'est ainsi arrangée pour troquer son nom d'Hubaut par celui du célèbre homonyme, en faisant basculer le b. Pour ce faire, prétexte à la rencontre et moment, l'artiste institua le contrat Prête moi ton L et prends mon B, proposant à ceux qui le désirait d'échanger un L présent dans leur nom contre son b, bousculant ainsi de manière farcesque l'état civil pendant uen quinzaine de jours. Rendu possible par la réactivation de ces différents contrats, le Mariage de lettres est une volonté d'entériner définitivement ce changement de nom, en prenant à rebours le principe du mariage et devenir ainsi demoiselle Hulaut. Le Mariage de lettres n'est pour l'artiste "ni réellement un mariage avec personne, ni un mariage avec tout le monde", il est "plus proche d'un manifeste poétique qui associe en même temps qu'il dissocie l'idée que 'l'art est ce qui rend la vie plus intéressante que l'art'".
Eu égard au contexte, en clin d'œil à la statue de Mr Hulot, la cérémonie ne pouvait avoir lieu que sur la plage de St Marc, face à l'Hôtel de la plage. Etaient donc présents, parmi la foule assise sur les bancs d'église disposés sur le sable, en tant que témoins, tous ceux qui avaient accepté un échange de lettre. Dans une démarche tatiesque, la mariée arriva dans une robe à la fois délicate et exubérante confectionnée par Pauline Pô. Le mariage se déroula par l'entremise d'un maître de cérémonie décalé à la voix en échos. Décidément et évidemment placé sous le signe de l'inattendu et des écarts, le témoin officiel semblait énoncer son dicours avec l'accent écossais de David Michael Clarke qui en était le véritable lecteur. La cérémonie se termina par une photographie de famille de Dettie Flynn et un lancer de galets sur les vagues, symbole de toutes ces échanges et histoires qui se mêlent et se prolongent, de l'énergie générée par le hasard de ces rencontres. Energie qui permit la réalisation par Abraham Poinheval et Clémentine Henriot d'une très belle pièce montée, et que tout fut filmé par docteur Courbe, Marco Tsypkine et David Clarke.
Ce jour-là, préférant laisser la plage aux romantiques, Melle Hulaut avait pris pour compagne le vent frais et aigu des aventures toujours recommencées.
Frédéric Emprou, 2002