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Anabelle Hulaut

Frédéric Emprou

Parution : 303 - Art recherches et Créations - N°96 [Hors Série 2007]


Les pas du jeu


Une anecdote raconte que pendant le tournage des Vacances de Monsieur Hulot, un homonyme du héros de Tati, du prénom de Jean, arrivait à Nantes, à la nage et par la Loire. Brouiller les pistes, opérer des pieds de nez et des clins d'oeil, Anabelle Hulaut affectionne cette lisière entre récit improbable et fait réel.
Pour présenter Les vacances de Melle Hulaut, l'artiste aime à commencer par " ceci n'est pas... ", une soustraction facétieuse qui permettrait les entrée multiples et les interprétations ouvertes de cet objet filmique non indentifiable. Distillant une poésie du cocasse et de l'incongru, celui-ci se compose de séquences en l'espèce d'une partie de tennis, d'une pêche aux moules, du montage d'une cabane mondrianesque, d'un Mariage de lettres... La liste n'est pas exhaustive.
On pourrait assimiler les moments de l'oeuvre d'Anabelle Hulaut comme autant d'esapces gigognes qui s'emboîteraient les uns dans les autres, qui feraient ricochets entre eux. Titres de pièces ou d'expositions, Double jeu, Enjambement, constituent autant de figures de la mobilité, d'indices que l'artiste parsème, en vue de l'élucidation hypothétique d'une identité.
Si Anabelle Hulaut manie le flou, cela va de pair avec la création d'un personnage, le détective, et l'activation de ses accessoires et de ses attributs vestimentaires. Tel un pas de côté, il s'agit là d'une façon de se distancier, de se regarder de près ou de loin comme on le ferait à l'aide d'une loupe.
Parce que tout ceci tient de la filature, d'une enquête qui n'a de cesse de se déplacer et de se remettre en situation. Ses objets sculpturaux sont les traces d'une généalogie, d'une narration que l'artiste fait biaiser et déraper : Anabelle Hulaut apprécie les coups de dés, les coîncidences, et les accidents du hasard.
Emprunt de nom, échange de patronyme, elle opère par dérives lexicales et glissements sémantiques. Une de ses productions anciennes consistait à " arrondir les angles " d'une salle.
Entre appréhension d'un lieu et décalages verbaux, l'artiste avoue une appétence pour l'endurance et le nomadisme absurde. Paris, Montréal et Nantes, sont ainsi des villes par lesquelles Anabelle Hulaut est passée et dans lesquelles elle a marché à la recherche d'un " p " fuyant.
Quelque chose qui ressemblerait à ce que disaient Laurel et Hardy : " the wrong way to get the right place ". Tourner en rond correspond ici à un désir d'éprouver, de s'épuiser.
Une circulation giratoire qui rappelle l'idée d'un effort sur place, qu'elle a matérialisé par sa série d'actions Sport Surface.
Prise au mot, l'artiste a entamé une pérégrination plastique qu'elle a suivie à la lettre.
S'apprivoisant des territoires de la même manière que l'on vadrouille dans sa tête, le travail d'Anabelle Hulaut s'apparente à une balade mentale, un journal de bord, une écriture.
Une fiction qu'elle s'emploie à alimenter et dont les règles du jeu s'instaurent au fur et à mesure. Une topographie qui parfois laisse place au décollement, à la rêverie et aux courants d'air : " je vole... " Bon baisers on the road.


Frédéric Emprou, 2007