Sam Moore aka Anabelle Hulaut
Sarah Ihle-Meyer
Texte pour le catalogue de l'exposition - Histoires vraies au MAC VAL du 4 février au 17 septembre 2023
Commissariat : Frank Lamy assisté de Julien Blanpied.
Sam Moore
Photos, vidéos, sculptures et performances : chez Anabelle Hulaut, tous les médiums sont bons pour jouer. Ou plutôt, pour introduire du jeu dans la mécanique bien huilée de nos systèmes de perception. Par glissements sémantques et décentrements du regard, nos découpages catégoriels se brouillent pour laisser place à des zones de flou où l'identité des objets, des lieux et des individus est suspendue. Ceci au profit de récits fantasques dont le principal ressort est l'irréductible intervalle entre les mots et les choses.
Tout commence au début des années 2000, lorsqu'Anabelle Hulaut échange le B de son nom de naissance - Hubaut - contre le L des patronymes de son cercle d'amis, via des contrats de Mariages de lettres dûment signés et consignés. Une manière de se départir d'un père lui-même artiste, qui plus est célèbre (Joël Hubaut), et de s'inventer une identité évoquant une autre illustre figure : Monsieur Hulot de Jacques Tati. Dés lors, par jeu de mots, nous aurons affaire à Melle Hulaut, détective e fiction nspirée par Sherlock Holmes et hercule Poirot, pour des jeux de piste où il s'agira notamment de retrouver une pipe volée - celle de la sculpture de Monsieur Hulot - o le mobile d'une oeuvre - comme s'il s'gissait d'un crime. Une loupe accompagne souvent l'artiste dans ses pérégrinations : normal pour une enquêtrice dont l'objectif est de renverser nos focales. Ainsi des Tas (2009), soit des tas de feuilles, de bois, de terre et de débris photographiés de loin ou de près, selon des échelles et des points de vues variables, de manière à perturber nos repères et à suspendre la nomination des choses.
Car Melle Hulaut crée des dispositifs réflexifs où la vision, toujours structurée par des connaissances, se prend elle-même pour objet. Comme si nous n'étions pas suffisamment perdu-es quant à son identité, l'artiste s'est inventée en 2013 un nouvel avatar, nommé Sam Moore. Cet artiste fictif est le créateur de Paysages agités : mis en scène sur des fonds monochromes, de petits objets et rebuts glanés ici et là composent des paysages de fantaisie aux couleurs acidulées et aux matières hétéroclites. Restitués sous forme de photographies, on ne saurait dire de prime abord quels sont la nature, l'angle de vue, ni l'ordre de grandeur de ces pasages. Ils évoquent des fonds marins et des territoires extraterrestres, des décors de boules de Noël et d'aquarium dont les éléments auraient été préalablements secoués pour retomber selon les lois du hasard. Autant d'interprétations possibles dont aucune n'est plus juste ni fausse que l'autre. Ce qui est précisément l'objectif de Sam Moore : nous basculer dans une aimable crise herméneutique.
Sarah Ihle-Meyer, 2023
Pour plus d'infos sur l'exposition Histoires vraies,
voici un lien vers le site du MAC VAL: Histoires vraies